Une taxe injuste ?
Les détracteurs de la TVA sociale lui opposent souvent cet argument avec un double raisonnement. Tout d’abord, cela revient à transférer des charges pesant sur les entreprises sur une taxe portant sur la consommation. Dans la présentation de certains, on a presque l’impression qu’il est demandé aux Français de payer une taxe qui était auparavant directement payée de la poche des patrons. Cette présentation est abusive. Les charges sociales ne sont qu’un coût parmi un autre pour une entreprise et en réalité, ce sont bien les consommateurs qui la paient, comme la TVA.
L’autre argument avancé est que la TVA est un impôt injuste car non progressif. Cependant, il faut noter que les ménages modestes sous-consomment les produits faiblement taxés (produits alimentaires, loyer) alors que les ménages aisés surconsomment les produits plus fortement taxés, ce qui introduit une forme de redistribution à travers la TVA. Et les cotisations sociales sont en partie soumises à un plafond, ce qui limite la redistribution. En outre, il est toujours possible de jouer sur des différences de taux pour assurer que cette réforme ne soit pas injuste.
Une taxe inflationniste ?
Le deuxième reproche fait à la TVA sociale est le risque d’une hausse des prix. Pourtant, l’expérience Allemande démontre qu’un tel transfert n’est pas forcément inflationniste. Ensuite, si on agit à montant de taxe équivalent, il n’y a pas de raison pour que les prix augmentent. Bien sûr, il y a la crainte légitime que les prix des produits importés augmentent nettement et que ceux des produits fabriqués en France ne baissent pas à due proportion. Néanmoins, on peut aussi imaginer que certains importateurs rogneront sur leur marge pour ne pas trop perdre de parts de marché.
Parallèlement, sur les marchés compétitifs, la pression de la concurrence devrait pousser les prix à la baisse et rien n’empêche l’Etat de mettre en place des mécanismes assurant que la baisse des coûts est bien répercutée sur les prix. En outre, étant donné que nous importons davantage que nous exportons, la masse qui sera taxée sera plus importante qu’avant, ce qui devrait permettre au contraire de légèrement baisser la pression fiscale globale. Et la plus forte croissance de la base taxable (par la création d’emplois), permettrait sans doute de baisser la pression fiscale dans un second temps.
Une perte de pouvoir d’achat ?
Etant donné le précédent de la baisse de la TVA dans la restauration, il est néanmoins difficile d’affirmer qu’il n’y aurait aucun risque d’une légère hausse de l’inflation. Cependant, le niveau de l’inflation (tant qu’il est raisonnable) n’est pas le plus important. En effet, l’essentiel est l’écart entre la hausse des salaires et l’inflation. Beaucoup présentent la baisse de l’inflation comme un progrès économique alors que la hausse des salaires a davantage baissé que l’inflation, aboutissant à une réduction des gains de pouvoir d’achat, faisant finalement de la baisse de l’inflation un recul social.
Au contraire, la baisse radicale du coût du travail permettrait sans doute une plus forte progression des salaires et du pouvoir d’achat, même si l’inflation est temporairement et légèrement plus élevée. En effet, le coût d’une hausse de salaire serait réduit de plus de 40% avec l’introduction de la TVA sociale. Mieux, on pourrait aussi imaginer en profiter pour que le nouveau salaire net soit un intermédiaire entre l’ancien net et l’ancien brut pour redistribuer du pouvoir d’achat, quitte à accepter un léger regain temporaire d’inflation. Naturellement, cela se ferait plus facilement en dehors de la monnaie unique.
Pour être honnête, les reproches faits à la TVA sociale sont légitimes. A première vue, une telle révolution fiscale n’est pas sans risque. Mais un examen plus approfondi de ses mécanismes permet de comprendre qu’il s’agirait sans doute d’une révolution extrêmement positive.
Laurent Pinsolle